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Sensibilisation de la société turque sur le génocide Arménien

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Le 15 mars 2011, l’ONG Yerkir – Think & Do Tank Arménien organisait à Erevan une conférence internationale sur le thème « Renforcement de la sensibilisation de la société civile turque sur le génocide des Arméniens ».

Cette conférence réunissait des intellectuels de l’Establishment d’Arménie et de Turquie qui se sont exprimés sur les thématiques suivantes :

– « La politique de négation du Génocide des Arméniens par la Turquie, historique, présent, futur » par David Hovhannisyan (Faculté des études orientales Université d’Erevan).

– « Le développement de la prise de conscience en Turquie » par Cengiz Aktar (Intellectuel, directeur du Centre pour l’Union européenne à l’Université de Bahcesehir à Istanbul).

– « Statuts et situation du patrimoine culturel arménien en Turquie » par Hayk Demoyan (Directeur du Musée du Génocide d’Erevan, Tzitzernakapert).

– « La politique du gouvernement turc envers la communauté arménienne » par Ruben Melkonyan (Vice-doyen de la faculté des études orientales de l’Université d’Erevan).

– « La société civile turque et la reconnaissance du Génocide des Arméniens » par Anush Hovhannisyan (chercheur à l’Institut des Etudes Orientales de l’Académie d’Arménie).

– « L’initiative du « groupe du pardon » en Turquie, développements et résultats » par Ali Bayramoğlu (Intellectuel turc, politologue et chroniqueur à la télé turc).

– « Le Génocide des Arméniens dans le processus de réconciliation arméno-turc » par Richard Giragosian (Directeur du Centre Arménien d’Etudes Nationales et Internationales).

Quelle place pour le génocide Arménien dans la société turque

La conférence internationale « Renforcement de la sensibilisation sur le Génocide arménien en Turquie » a été organisée par l’ONG Yerkir – Think & Do Tank Arménien en partenariat avec le Think Tank d’Arménie Caucasus Institute, elle a notamment réuni les intellectuels turcs, initiateurs de la campagne « Je demande pardon », Cengiz Aktar et Ali Bayramoglu.

Dans son discours d’ouverture, le représentant de l’ONG Yerkir – Think & Do Tank Arménien, Robert Tatoyan, déclarait « La Turquie a l’obligation de prouver par des actes qu’elle n’est plus un danger pour les arméniens et l’Arménie. La Turquie doit cesser la destruction du patrimoine arménien, sa politique négationniste et d’isolement de l’Arménie, du Karabagh et de stopper les violations des droits des arméniens en Turquie. Cette politique de l’état turc condamne tout dialogue entre les deux sociétés à l’échec. Mais il ne faut pas sous-estimer l’impact des intellectuels turcs comme Cengiz Aktar et Ali Bayramoglu qui ont déclenché par leurs actions une mutation de la société civile turque »

En préambule à son intervention sur le thème Développer une politique de mémoire en Turquie, Cengiz Aktar, professeur à l’université Bahçesehir d’Istanbul a rappelé que c’était la première fois qu’il se rendait à Erevan et s’est félicité de constater que « le dialogue s ‘approfondissait », atteignant même un « point de non retour » selon lui. « Avant 1977 et la création de la maison d’édition Belge, il était très difficile de disposer d’informations sur l’Arménie » rappelle Aktar. Mais c’est avec Hrant Dink et la création du journal Agos que les Turcs vont découvrir les Arméniens. Ce n’était pas qu’un journal qu’il publiait, il nous a fait connaître réciproquement » affirme t-il. « Des réunions comme aujourd’hui nous permettent de nous rencontrer… Beaucoup de jeunes en Turquie travaillent sur le rapprochement et des chaires d’arménien se créent dans les universités turques ».

« Il y a une brèche dans le mur de ciment »

Outre ce pan de la mémoire qu’il qualifie d’académique, Aktar souligne que l’héritage arménien cultuel et culturel est également en voie de rétablissement par la rénovation d’églises arméniennes ou la tenue de plusieurs expositions venues « rafraichir la mémoire ». Soulignant l’importance de ne pas se focaliser ni sur le passé, ni sur le Génocide, Aktar affirme qu’il faut aussi constater les événements positifs qui se déroulent en Turquie ces derniers temps. « La Turquie retrouve l’arménité et c’est très important » lance celui-ci. Il rappelle ainsi que la commémoration du 24 avril qui avait traditionnellement lieu dans des locaux fermés se fait, depuis 2010, dans la rue. « Cette année (2011) la commémoration du 24 avril se fera dans plusieurs villes, ce qui n’est pas chose facile en Turquie. Avec le temps, les Arméniens revendiquent leurs droits civiques et en bénéficient comme des citoyens à part entière car la communauté arménienne de Turquie ne doit pas être considérée comme un groupe à part de la société turque ». Selon l’intellectuel, une remise en cause très sérieuse sur l’histoire doit être entreprise. « Il est essentiel pour la société que les Turques reviennent à leur mémoire et leur histoire. Le Génocide est aussi un drame turc et s’affranchir de ce fardeau est une grande responsabilité de la société turque et arménienne. « Il y a une brèche dans le mur de ciment et nous ne pouvons plus faire rentrer les génies dans la bouteille » affirme t-il. Selon lui, « il est important de dire qu’il existe des personnes comme moi ou Ali qui pensent comme nous. Aujourd’hui, il y a plusieurs Hrant Dink en Turquie, turcs et arméniens.

« Nous menons un travail explicatif »

« Nous sommes turcs, intellectuels et démocrates » lance en guise de préambule Ali Bayramoglu, chroniqueur au journal Yeni Safak, avant de faire état d’un problème majeur au sein de des milieux intellectuels turcs : celui de la démocratie. « Au niveau idéologique, apparaît la nécessité pour la Turquie de devenir une société plurielle pour démilitariser la société turque ».  Selon lui, l’identité turque est en reconstruction avec, en son centre, le problème du Génocide. « Nous menons un travail explicatif » affirme le journaliste. « Il est essentiel de rétablir un lien entre les deux sociétés car la reconnaissance fait partie de cette grande politique de reconstruction de l’identité turque » poursuit ce dernier. « Ce qui est essentiel c’est de se poser la question : qui sommes nous ? Qu’avons nous fait ? Le malheur de 1915 est devenu visible et même si la Turquie n’a pas encore le courage de prononcer le mot de Génocide, elle est sur cette voie. Revenant sur l’impact positif de la campagne du pardon qui a recueilli 30 000 signatures en Turquie, Ali Bayramoglu conclut : « Les signataires de la campagne « Je m’excuse » sont les représentants de la Turquie de demain.»

Les intervenants arméniens ont mis en avant deux principales réserves face aux interventions de Aktar et Bayramoglu : la société turque est surtout les représentants démocrates ne peuvent pas se déresponsabiliser des actions négationnistes de l’état turc et de sa politique anti-arménienne. Deuxièmement, ils ont insistés sur le fait que le « groupe du pardon » et les quelques intellectuelles turcs qui ont reconnu le génocide ne sont qu’une minorité insignifiante en Turquie et qu’on ne peut se baser sur eux pour comprendre et juger la société turque et les relations arméno-turcs. D’après les experts arméniens, cette minorité ne peut pas être représentative de l’ensemble de la société turque, du moins pour le moment.

Soirée hommage à Hrant Dink - Concert du Van Project

La veille de cette conférence, une soirée en hommage à Hrant Dink était organisée par Yerkir. Après une prise de parole de l’évêque de Goukark, Monseigneur Sebouh Chouldjian, le turcologue vice-doyen de la faculté des études orientales de l’Université d’Erevan, Rouben Melkonyan, retraçait la vie et le parcours de Hrant Dink.

La partie artistique était assurée par l’ensemble ethnomusicologique Van Project de Yerkir. Projet qui s’articule autour d’un groupe d’étude composé d’ethnomusicologues et de musicologues chargé de faire revivre des instruments et des genres musicaux arméniens perdus qui sont encore joué en Turquie par les Hamshens, les Kurdes, les Zaza et les Crypto-Arméniens. Un ensemble de musique traditionnel composé d’une quinzaine de jeunes musiciens qui a été constitué en novembre 2010 pour faire revivre et enseigner ces instruments et ces genres musicaux. Pour en savoir plus sur le Van Project cliquez ici…