Article de Guillaume Perrier. Six ans ont passé depuis la mort de Hrant Dink, un après-midi d'hiver, à Istanbul, sur le large trottoir de l'avenue Halaskargazi, devant l’immeuble abritant l’hebdomadaire arméno-turc Agos. Six ans qu'il a été terrassé par la haine anti-arménienne. Dans les locaux du journal, son bureau encombré est resté quasiment intact. A l'entrée d’Agos, une double porte blindée a été installée. Le petit journal qu'il avait fondé dans les années 90, a survécu à Hrant et, mieux encore, s'est développé, enrichi, a gagné en visibilité. Le nombre de ses abonnés a explosé et la compagnie aérienne Turkish Airlines lui a même donné le droit de figurer sur les présentoirs de l'aéroport, aux côtés des journaux turcs. Une reconnaissance inespérée.
Le dialogue entre Turcs et Arméniens a indiscutablement été, ces dernières années, un des faits marquants de leurs relations dont la nature et le statut ont marqué un tournant. Cependant, aussi spontanées qu’apparaissent ces initiatives, l’observation attentive du discours dominant de ce « dialogue », et l’examen des relations turco-arméniennes depuis plus d’une dizaine d’années, montrent clairement qu’il s’agit d’un processus pensé et maîtrisé par le pouvoir turc. Celui-ci a ainsi réussi à déléguer à la société civile le traitement d’une question plus qu’embarrassante, qui encombre depuis une vingtaine d’années ses relations avec les pays occidentaux, et en premier lieu perturbe son adhésion à l’Union européenne.
Serge Avedikian constate aujourd’hui que le processus de dialogue est en stagnation et que le résultat des différentes initiatives reste mitigé. Pour en sortir, le réalisateur compte sur une parole neuve venant d’une nouvelle génération d’intellectuels et d’artistes turcs.