Le cycle de répressions engagées en Turquie depuis 2015 a impacté les marges de manœuvres des activités de notre ONG Yerkir. Nos principaux partenaires ont été arrêtés : en novembre 2016, pour la maire de Diyarbakir, Gültan Kışanak puis le démantèlement des structures municipales avec qui nous collaborions : service culturel, centres culturels, conservatoire municipal, curateur des expositions, musées ; et en octobre 2017, l’arrestation du mécène Osman Kavala de la fondation Anadolu Kültür.
Nous avons dû élaborer et adapter nos projets, aux contraintes de ces tensions, en créant de nouvelles formes d’expressions pour nous permettre de continuer à agir sur place pour valoriser l’identité et la culture arménienne.
D’où ce projet « Music Action Lab Women », au travers de la musique, car comme le précise Sevana Tchakerian, directrice artistique du projet : « La musique est un langage universel qui peut instantanément réunir des personnes de culture, de langue, de religion, de sexe, d’âge, d’opinions politiques différentes. La musique est une forme d’expression qui a toujours été reliée aux changements d’ordre social et politique. De ce fait, les musiciens ont le potentiel et le rôle de porte-parole de différentes causes de la justice sociale, et sont des acteurs de changements sociaux dans leurs communautés locales ».
En invitant des musiciennes de Turquie, d’Arménie ainsi que de France et de Belgique (dont certaines d’origines arméniennes et turques) à des résidences de création collaborative, le projet « Music Action Lab Women » est un vecteur de dialogue et d’ouverture entre de populations qui n’ont pas l’occasion de se rencontrer. Les échanges sur leurs expériences et la situation dans le cadre de violence dû aux conflits territoriaux ou de répressions politiques peut générer des solutions à mettre en œuvre pour défendre leurs droits, mais aussi dans le cadre de résolutions de conflits.
La première phase a été réalisée par une résidence artistique à Lyon, en février-mars 2020. Des workshops, ateliers, rencontres avec des ONG et des politiques ont été organisées ainsi que des restitutions musicales à Clermont-Ferrand et à Lyon. Un documentaire de 52 min « Musiciennes ! Arménie-Turquie-France » a été réalisé par une structure de production audiovisuelle sur le process du projet.
Les restrictions des confinements dues au COVID puis la guerre de 2020 ont ajourné la suite de ce projet. Grâce à des partenariats en Belgique avec la Fondation Boghossian – Villa d’Empain et la Plateforme 50, nous reprendrons fin janvier une résidence de création musicale à Bruxelles pour compléter le répertoire et préparer ainsi les phases du projet en Arménie et en Turquie en juillet 2023.
En Turquie, nous développerons une approche en direction de la diversité culturelle, mais aussi par l’interaction d’activités du projet (ateliers collaboratifs, workshops) pour faire valoir les Droits Culturels à Çamlıhemşin avec les Hamchène, à Diyarbakir avec les Kurdes et la nouvelle communauté arménienne composé de crypto-Arméniens, à Malatya avec les Alévis « Turkmène », au Dersim avec les Zazas, les kurdes Alévis ainsi que les crypto-Arméniens alévisés.
Ce projet est une clé pour faire vivre l’identité arménienne en Turquie auprès de populations qui ont côtoyé les Arméniens avant 1915. Il agit aussi indirectement pour recenser les besoins des crypto-Arméniens de ces territoires et créer des interconnexions entre eux et des Arméniens de la diaspora.