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L’Arménie aurait dû être la puissance régionale du Sud-Caucase

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Lorsque les nouvelles générations et l’histoire se retourneront sur la période de l’indépendance de l’Arménie jusqu’à la défaite du 9 novembre 2020, elles se poseront inévitablement les questions :

– Comment avoir perdu l’Artsakh alors que durant 26 ans l’Arménie a eu la main militairement et territorialement pour résoudre le conflit du Haut-Karabagh en sa faveur ?

– Comment n’avoir pas construit, en une génération, un État fort, viable économiquement et sécurisé ?

Durant cette période où la mondialisation émergeait, la Diaspora, complétement fondue et adaptée à cette réalité, aurait dû être le réseau transnational alternatif qui aurait permis à l’Arménie de se développer en contournant les blocus économiques turco-azéris et de ne pas s’inféoder à la Russie.

Le statu quo du conflit gelé du Karabagh, ainsi que les blocus économiques panturcs, ont été, durant deux décennies, les pierres angulaires qui ont fait prospérer le système de corruption institutionnelle et la mainmise sur l’économie par Robert Kotcharian et Serge Sarkissian.

Malheureusement, pratiquement toutes les structures pan-arméniennes ont préféré cloisonner les relations Arménie/Diaspora en invisibilisant les problématiques des blocus, de la résolution du conflit du Karabagh ainsi que le système de prévarication qui a dépeuplé et déclassé l’Arménie.

Aujourd’hui, quatre ans après cette lourde défaite et avec la menace constante d’une nouvelle guerre, la mobilisation est au point mort. Les autorités arméniennes se rabaissent constamment, pensant desserrer l’étau panturc. Les structures pan-arméniennes ont remplacé leur fonds de commerce de victimisation mémorielle du génocide par celui de la perte de l’Artsakh.

En France, aucun bilan ni remise en question n’ont été tirés depuis 2020. Aucune action envers les nouvelles générations et les forces vives qui s’étaient mobilisées massivement durant la guerre. Aucun débat d’idées, ni réflexions portées pour faire participer les Français d’origines arméniennes. Aucune stratégie, ni projet politique ou de société déployée par le réseau traditionnel en voie de boomerisation.

Seulement l’inertie et le blocage qui permettent de reproduire les mêmes schémas, ceux qui ont été inutiles à l’Arménie et à l’Artsakh durant deux décennies : Humanitaire, charité pour l’Arménie et clientélisme communautariste en France avec son lot de commémorations en tous genres, de galas, de dîners, de remises de prix…

La démographie comme base stratégique

Les projets de notre ONG YERKIR ont toujours été guidés par la stratégie fondée, il y a 30 ans, par son ancêtre, l’association France-Karabagh. Lors du cessez-le-feu de la première guerre du Karabagh, en 1994, la priorité a été le développement de la démographie dans les régions frontalières à sécuriser.

C’est la ligne de mire qui nous a toujours guidés dans l’exécution de nos projets, que ce soit en :

– Artsakh par le repeuplement et le développement de villages des régions frontalières d’Hadrout, Djebraïl, Mardakert et Kelbadjar.

– En Arménie, au Guégharkounik et au Tavouch en mettant en place des programmes agroéconomiques de crédits à l’élevage et à l’apiculture ainsi que la rénovation de structures éducatives et sociales.

– Au Djavakhk en Géorgie, en défendant les droits civiques des Arméniens autochtones de cette région.

– En Turquie et en Arménie Occidentale, via des programmes en lien avec la préservation et le développement du patrimoine immatériel, de l’identité et de la culture arménienne.

Pour faire la paix ou faire la guerre, il faut être deux

En remplaçant les questions politiques de la reconnaissance et des réparations du génocide par une stratégie de victimisation mémorielle et historique, les structures pan-arméniennes de la Diaspora ont fait d’un problème turc qui se règle en Turquie un problème arménien, français, européen… Avec l’effet pervers que ces reconnaissances n’ont protégé en rien l’Artsakh et l’Arménie des visées panturques.

Pour faire la paix ou faire la guerre, il faut être deux. En abdiquant leur propre combat pour le déléguer à d’autres, ils ont permis à des États d’avoir des intérêts politiques supplémentaires dans leurs relations bilatérales avec la Turquie et l’Azerbaïdjan. Ce au détriment de l’Arménie et de l’Artsakh comme les ventes d’armes au régime d’Ilham Aliyev par la France (de 2014 à 2020), par Israël (de 2010 à aujourd’hui), par la Russie (depuis toujours) et bien d’autres. Non seulement, ces scandales non jamais été dénoncés, année après année, mais ont même été placés et sont toujours sous le sceau de l’omerta.

Pour sortir de l’ornière, il faut recréer des espaces de réflexion qui puissent faciliter l’émergence de nouveaux projets politiques et de sociétés pour tisser des liens concrets et en adéquation entre une identité arménienne transnationale renouvelée et les « territoires » arméniens. À ce titre, les nouvelles donnes politiques et géopolitiques imposent de redéfinir des stratégies globales d’actions culturelles, sociétales et politiques.

C’est dans cette optique que notre ONG a fait le choix, depuis 2011, de s’investir en Turquie via plusieurs projets : Van Project, Plateforme arméno-turc REPAIR, Track II Diplomacy, commémoration du génocide à Diyarbakir, échanges interculturels, résolution de conflits…

Les questions arméniennes ne s’inscrivent pas seulement dans l’histoire et la mémoire de la Turquie, elles sont toujours d’actualité dans la transversalité de questions socioculturelles et socio-économiques.

Nous avons aussi entrepris différents projets en Turquie pour travailler à la ré-arménisation des crypto-Arméniens (islamisés/Alévisés) notamment en Arménie Occidentale. Vu la complexité de la situation politique en Turquie, nous avons choisi de passer par des actions culturelles pour nous permettre d’avoir accès à ces territoires reculés.

Des peuples qui luttent pour exister, pour faire vivre leur identité, leur culture et leur langue.

Pour ce faire, nous nous sommes servis de la musique comme d’un medium de dialogue artistique pour aller vers les identités d’Anatolie : laze, zaza, kurde, alévie, mais aussi arménienne au travers de ces nouvelles communautés chez les Hamchène, au Dersim, à Kharpet, à Mouch, à Diyarbakir.

Nous avons constitué un groupe, MiASiN ! (“Ensemble” en arménien), regroupant cinq musiciennes françaises, arméniennes et turques. Aux confluences de musiques arméniennes et d’Anatolie ainsi que des musiques actuelles. Ce projet nous a permis d’aller à la rencontre de ces populations.

Teaser « Les mélodies intimes d’Anatolie »
Road-movie documentaire qui retrace le parcours des musiciennes

et les problématiques liées aux questions d’identités et des Droits Culturels en Anatolie.

Les crypto-Arméniens en Turquie, les Arméniens du futur ?

Les crypto-Arméniens sont une chance inestimable pour pouvoir faire renaître l’identité arménienne en Turquie et en Arménie Occidentale. Non seulement, ils peuvent être les acteurs d’une renaissance arménienne sur ces territoires, mais ils sont aussi un formidable vecteur d’échange avec les sociétés turque et kurde. Une grande partie habite l’Arménie historique, jouxtant les frontières du Caucase. Ils peuvent à terme être aussi être une courroie de transmission socio-économique pour la République d’Arménie…

Au cours de ces dernières années, en développant nos projets dans ces régions, nous nous sommes liés à eux. Ils nous prirent souvent à partie, prétextant que les Arméniens de la diaspora, originaire de ces territoires, les ignoraient, voir ci-dessous le teaser « Crypto-Arméniens en Turquie – Les oubliés d’Arménie Occidentale » :

L’idée selon laquelle l’identité arménienne pourrait renaître sur ces territoires en friche peut paraître saugrenue face aux immenses chantiers auxquels les Arméniens font face. Mais cette perspective identitaire porte aussi les germes d’une redéfinition du rapport aux « territoires » arméniens, d’une structuration transnationale, dont la diaspora et l’Arménie ont besoin pour se réinventer.

Malheureusement, ces crypto-Arméniens sont livrés à eux-mêmes et ne disposent d’aucuns matériaux pour apprendre leur langue, leur histoire et leur coutume. Pour remédier à cela ainsi que pour les accompagner dans leur structuration, nous allons engager plusieurs projets culturels à partir de 2025.