Ecrivain et enseignant Assyrien de Turquie vivant en Suède
Selon Feyyaz Kerimo, écrivain et enseignant vivant en Suède, le génocide de 1915 a eu des effets irréparables sur l’identité assyrienne qui semble aujourd’hui affaiblie et divisée. La guerre en Irak et en Syrie a provoqué de nouvelles vagues d’immigration et l’idée de retourner en Turquie semble loin pour les nouvelles générations en diaspora.
Comment les Assyriens définissent-ils leur identité aujourd’hui ? Y a t-il eu des changements dans cette définition ces dernières années ?
La notion d’identité nationale est apparue avec la Renaissance autour des concepts de la langue et de l’histoire. Elle signifie un dénominateur commun autour de certaines caractéristiques. Pour moi, l’identité nationale est avant tout une question d’appartenance. Les Assyriens ont été définis sur leurs propres terres comme Bethnahrin (Mésopotamie en assyrien) comme une « minorité », ou plutôt « une minorité religieuse » et plus souvent comme une « communauté », jusqu’à encore aujourd’hui. L’appellation de « communauté » est utilisée consciemment par l’État et les « spin doctors » en Turquie car ils y voient un intérêt. Ce genre de définition n’est pas juste, ni adapté car cela nous prive partiellement de nos droits et nos libertés.
Parce qu’ils ont toujours été laissés en état de « sous-développement » sur leurs terres, les Assyriens ont été obligés de se définir autour de l’église et de la religion, les seules institutions autorisées à exister, tant bien que mal. Entourés d’une majorité musulmane, ils se sont définis tout naturellement comme des « chrétiens » depuis deux mille ans. A la question essentielle de « qui es-tu ? » de la sociologie, les Assyriens ont donc répondu « je suis Chrétien ». Car la seule particularité — dont ils avaient connaissance — qui les distinguaient de la majorité musulmane était le fait qu’ils étaient chrétiens.
Mais lorsque la population assyrienne a été obligée d’immigrer de ses terres et de partir en diaspora, elle a été confrontée cette fois-ci à la même question en Europe. Selon elle, l’Europe était chrétienne et était sa « mère patrie ». Elle a donc répondu de nouveau « je suis chrétien » lorsqu’on lui a posé cette question en Suède. Mais les Suédois lui ont dit « je comprends, mais qui es-tu ? ». Car pour un Suédois, la religion n’est pas une particularité qui distingue une identité.
Les Assyriens ont alors compris que la définition de « chrétien » n’était plus suffisante. De cette manière, les Assyriens ont commencé une recherche identitaire massive en diaspora. Cette recherche, qui n’a pas été effectuée de manière très saine, a provoqué une polarisation au sein du peuple assyrien.
En résumé : il existe un groupe qui prétend que le peuple assyrien a des origines araméennes, en partant du fait qu’il parle araméen, tandis qu’un autre groupe affirme qu’il est le descendant des Assyriens qui ont fondé des empires en ancienne Mésopotamie. A cause de certains fanatiques (qui agissent comme les supporters d’une équipe de foot) au sein des deux groupes, le débat a pris la tournure d’une négation de l’autre pour chacune des parties. Cette situation continue encore aujourd’hui.
Je pense que l’identité assyrienne comprend ceux qui se définissent aujourd’hui comme des Assyriens, Chaldéens, Assouris, Araméens, Maronites, Melkites, Jacobites et Nestoriens qui sont les enfants d’un seul et même peuple, qui vivent depuis six mille ans sur les mêmes terres (Mésopotamie), qui parlent la même langue (l’assyrien occidental et oriental) et qui ont eu un passé culturel commun au cours de l’histoire.
Aujourd’hui, la question essentielle de l’identité assyrienne est la création d’une appartenance commune partant d’une perspective historique juste car l’identité est divisée en morceaux, affaiblie, assimilée et atomisée. C’est une question de prise de conscience et d’éclairage. Ça sera un processus. Mais nous n’en sommes qu’au stade de « ramper ».
Dans ce contexte, l’identité se base sur « la conscience de « moi » et de sa « continuité ». Il ne suffit plus aujourd’hui que les gens sachent qui ils sont. Il faut prendre conscience de « qui étions-nous hier, qui sommes-nous aujourd’hui et de qui voulons-nous être demain ? ». Cette prise de conscience nécessite la mise en lumière des « appartenances communes » présentées sous forme de symboles et l’appropriation de celles-ci par le peuple. On peut citer la langue avec tous ses dialectes, la religion, l’histoire, la culture, l’imaginaire d’un avenir commun et le génocide de 1915 que ce peuple a subi parmi ces symboles.
Mais même si ces aspects existent, si vous n’avez pas de conscience pour les protéger et les développer, ils perdent leur importance. Le problème primordial des Assyriens est malheureusement celui ci.
Le génocide arménien a provoqué une fracture déterminante dans l’identité arménienne. Le génocide de 1915 a-t-il eu un effet similaire sur l’identité assyrienne ?
Les assyriens appellent « Seyfo » (l’épée en assyrien) le génocide de 1915. Car le peuple assyrien a été tué à l’épée en 1915. Des centaines de milliers de femmes, hommes, enfants, jeunes et personnes âgées ont été sauvagement massacrés. Ils ont été déportés en Syrie, au Caucase, au Liban, en Iran et en Irak, ont été violés, « islamisés », leurs biens ont été confisqués, leurs églises ont été détruites et brûlées. Tout cela n’a pas suffi, les archives millénaires des églises ont été détruites. Plus important encore, les Assyriens ont été imprégnés par la peur.
La plus grande fracture créée par le traumatisme se montre avant tout dans les dommages qui ont eu lieu dans la mémoire collective. La quasi totalité des sources écrites étant détruites, l’histoire (surtout le génocide) est transmise de manière orale de génération en génération. Tous les évènements douloureux, les injustices et le génocide de 1915 ont eu une importance déterminante dans l’identité et la conscience des Assyriens.
Ce traumatisme a aussi provoqué une réaction « naturelle » contre l’Islam et le musulman, car ils symbolisaient les auteurs des massacres. Car ceux qui ont massacré les Assyriens ont coupé les têtes, ont violé, brûlé et détruit en lançant des « Allah Akbar ». Je vis tous les jours les symptômes de ce traumatisme. Les élèves assyriens du lycée où je travaille, en suède, excluent, refusent de lier une amitié ou se montrent méfiants envers des élèves musulmans dès qu’ils sont en situation de majorité. On peut donc voir que le génocide est encore transmis par les générations anciennes aux nouvelles générations. Cet exemple montre aussi les dimensions de la peur ressentie.
Ce traumatisme a emmené une autre fracture dans l’identité assyrienne, celle de l’isolation, la méfiance envers les autres, le renfermement et un état d’esprit de « victime éternelle ». Nous entendons encore des personnes âgées des phrases comme : « Nous n’avons aucun droit » ; « Ça ne sert à rien de faire tout cela » ; « Ce sont des choses vaines« . Le génocide n’étant pas limité à 1915 et ayant continué sous d’autres formes (la campagne de « Parle le turc », la loi sur les noms de famille, l’impôt sur la fortune etc.) au cours du 20ème siècle, la méfiance envers les autres a atteint son plus haut niveau et a fini par ne faire confiance qu’à celui qui fait partie des « nôtres ».
Une autre fracture survenue dans l’identité assyrienne est celle qui a eu lieu dans la structure sociale, qui a deux dimensions : la dimension morale (culturelle) et matérielle (physique). L’aspect culturel comprend les réseaux de relations sociales, les rôles et les jugements de valeur de la société assyrienne. Ceux-ci ont été entièrement déchiquetés. Du point de vue physique, les lieux d’habitation (villes et villages) de la population assyrienne ont été rasés. Il ne reste plus aucun village qui n’a pas été affecté par cette destruction des maisons, des lieux de culte et des commerces. Apres le génocide, le peuple a été forcé à immigrer.
On oublie souvent que le génocide a également un coté sexuel. On garde le silence à cause de l’absence de recherche à ce sujet ou de la honte. Or, une fracture qui a déchiré notre identité a eu lieu dans ce domaine. Les hommes et les femmes ont été traités de manière différente lors du génocide de 1915. Les hommes (y compris les garçons) ont été soit massacrés sur place, soit ont été assassinés ou ont perdu leur vie à cause de la famine, de la maladie lors de la déportation vers Deir ez-Zor. Les femmes ont été violées, les jeunes filles kidnappées et mariées de force, elles ont été forcées à être servantes — en fait des esclaves — pour des hommes turcs, kurdes, arabes, iraniens ou azéris. En l’absence d’étude à ce sujet, nous ne savons pas comment cette situation a affecté les rescapées et les générations suivantes, ainsi que comment elle a été transmise. Ses conséquences sur les rôles et la sexualité masculine et féminine sont aussi inconnues.
Une autre fracture importante survenue dans l’identité assyrienne à la suite du génocide est la destruction de l’accumulation intellectuelle. La société assyrienne est en majorité une société agricole. L’artisanat se développe beaucoup plus tard. Des maîtres et artisans assyriens, spécialisés dans la maçonnerie, la peinture, la sculpture, la taille des pierres et l’art de « telkari » (bijoux en fil d’argent) voient le jour. Des intellectuels qui défendent l’idée de la « construction d’une nation » apparaissent après l’arrivée des missionnaires à partir de la seconde moitié du 19ème siècle, l’inscription des élèves assyriens dans les collèges de la région (Elazığ, Adana, Mardin, Antep, Harput, Diyarbakir, etc.) et la mise en avant de l’histoire, de la langue et de la culture par certains hommes religieux ouverts aux « idées éclairées » au sein de l’Eglise assyrienne. Les intellectuels assyriens comme Asur Yusuf, Naum Faik, Feridun Aturaya et Senharib Bali tentaient de sensibiliser la population dans les régions où ils vivent, publiaient des journaux, organisaient des débats et des rencontres pour créer une « unité nationale » au sein du peuple divisé. Ils donnaient une importance à l’organisation d’une lutte nationale. Alors qu’ils étaient peut-être très proches de la création d’une « mère-patrie pour les Assyriens », le génocide a pris toute cette accumulation de la main du peuple. Toutes les personnalités qui avaient un statut de « leader » ont été soit tuées sur place soit forcés a la déportation. L’accumulation intellectuelle a été brûlée et détruite.
Dans ce contexte, la plus grande fracture créée par le génocide dans l’identité assyrienne est la destruction de l’espoir d’avenir de la population. Le peuple assyrien n’a, pour cette raison, pas d’imaginaire quant à un avenir commun.
Pendant de longues années, les Assyriens n’étaient pas autorisés à ouvrir leurs propres écoles et à suivre une éducation en assyrien en Turquie. Une initiative est aujourd’hui menée afin de créer une école. Quelles sont les conséquences de son absence ? Que peut changer l’ouverture d’une école ?
L’autorisation donnée aux Assyriens pour ouvrir des écoles n’a pas pu être débattue de manière juste à cause de l’attitude de certaines personnes et institutions en Turquie et en diaspora qui en ont fait une occasion pour faire l’éloge d’Erdoğan. L’autorisation a été donnée à la suite d’une décision de justice. Elle n’a rien à voir avec une décision du gouvernement. Mais certains Assyriens ont fait la course pour remercier Erdoğan et le gouvernement. Or il n’aurait pas fallu oublier que ceux qui avaient confisqué les terres du monastère Mor Gabriel et qui ont été obligés de les rendre à la suite de la pression internationale étaient bien ce gouvernement et ses forces de l’ordre.
En réalité, à l’image des Arméniens et des Grecs, les Assyriens aussi ont des « droits de minorité » provenant du traité de Lausanne. Car le traité de Lausanne accorde des droits à tous les non musulmans et ceux dont la langue maternelle n’est pas le turc. Les articles 37-44 du traité s’appliquent aussi aux Assyriens. Mais Mustafa Kemal et l’ennemi juré des minorités Ismet Inonu ont tous les deux ignoré les Assyriens qui n’ont ni été acceptés comme des Turcs, et qui n’ont pu se servir des droits découlant de la citoyenneté turque. C’était comme si les Assyriens n’existaient pas pendant des années dans la République de Turquie.
Et tout d’un coup, on a commencé à découvrir les Assyriens ces dernières années en Turquie. Près de deux mille Assyriens vivent à Midyat et dans ses villages et entre dix à quinze mille à Istanbul. On demande alors quelle mouche a bien pu piquer les autorités. Lorsqu’on se rappelle de la fermeture sous menace des cours de langue donnés dans les églises, de l’interdiction d’ouvrir des écoles depuis la fondation de la République et de la restauration des églises qui dure encore aujourd’hui, on a le droit de poser cette question.
Comme ils ne représentent plus de « danger potentiel » ni de point de vue démographique, ni politique, les Assyriens et leurs villes (les régions de Mardin et de Midyat) sont désormais utilisés comme une « attraction touristique ». C’est pour cette raison que les médias de cet Etat font des articles et reportages sur les Assyriens, les chaines télévisées ne voient plus de risque à tourner des feuilletons dans nos maisons. Au contraire, faire quelque chose sur les Assyriens chrétiens constitue une belle couleur sur la vitrine de la Turquie vis à vis des pays occidentaux. Ils sont montrés comme des preuves de la « tolérance » et la « démocratie » de l’Etat turc. C’est pour cette raison que le Premier ministre ou le Président de la République invitent toujours un métropolite assyrien durant leurs visites à l’étranger. Les Assyriens n’ont pu être qu’une « décoration de vitrine » après tant d’années sur ces terres.
L’absence d’école a condamné la société assyrienne à rester analphabète, sous-développée, avec des valeurs féodales. Des générations d’intellectuels n’ont pas pu voir le jour. Cette situation est à l’origine du retard des Assyriens sur la conscience de leur identité nationale. Elle a eu des difficultés pour s’adapter à la société moderne. Donc, en privant d’école les Assyriens, on leur a fait le plus grand mal. Une barrière a été érigée devant l’apprentissage de la langue, des menottes ont été mises au parler, à l’écriture et même à la pensée dans la langue maternelle.
Il faut préciser que le travail des dirigeants de l’Eglise assyrienne de Tarlabaşı n’est pas simple. Vous ouvrez une école maternelle assyrienne, mais il n’y a pas d’instituteur. Si vous avez un instituteur, il ne parle pas l’Assyrien. S’il parle l’Assyrien, il n’a pas de formation pédagogique. Il n’y a pas de manuels scolaires non plus. Le problème est grand, les possibilités et le matériel sont limités. Commencer par une école maternelle est ainsi une stratégie juste.
La chance de réussite de ce projet dépend de la détermination de leurs précurseurs. S’il est réussi, il y aura une lumière d’espoir pour l’avenir. On aura au moins des jeunes qui pourront lire, écrire, parler et penser dans leur langue. Ces jeunes seront les littéraires et enseignants assyriens de demain. Cela apportera l’enrichissement à tous les niveaux pour les Assyriens et pour la société dans laquelle ils vivent. On verra une société assyrienne plus consciente, politique et plus éclairée.
Après la guerre en Syrie et en Irak, les Assyriens de ces pays ont de nouveau été obligés d’immigrer. Un nombre réduit d’Assyriens se sont réfugiés en Turquie a Midyat que leurs grands-parents avaient du quitter il y a cent ans. Comment ces événements affectent-ils la société assyrienne ?
L’immigration n’est pas un phénomène nouveau pour les Assyriens. L’histoire de la Mésopotamie est remplie de mouvements migratoires. Dans les sociétés modernes, l’immigration a d’autres raisons et d’autres dimensions. L’industrialisation et l’urbanisation qui l’a suivi ont rendu obligatoire l’émigration du village aux villes. Lorsque les biens produits par mon grand-père, qui était agriculteur à Midyat, ne suffisaient plus à nourrir la famille, mon père a dû chercher du travail à Adana et Elazig. Les Assyriens ont toujours été obligés d’immigrer vers d’autres régions à cause des pressions sociales et culturelles, des raisons ethniques et religieuses. Les guerres du 20ème siècle et d’autres raisons ont fait que les Assyriens considèrent l’immigration comme une voie de secours.
Au Moyen Orient, les Assyriens ont subi fréquemment des massacres massifs depuis l’époque de Bedirhan jusqu’à nos jours. Les Assyriens font partie des peuples qui ressentent le plus le prix d’appartenir à une autre religion et une autre origine ethnique. Pour cette raison, la population, qui n’a pas pu vivre paisiblement depuis deux mille ans, attend la première occasion pour partir, avec le passeport en poche. Car ils savent, par expérience, qu’on ne leur donnera pas d’espace de vie sur ces terres privées de stabilité et de paix.
Non organisés et affaiblis, les Assyriens ne peuvent donc tenir face à la moindre crise et cherchent la solution à l’étranger. On assiste ainsi à une grande immigration tous les dix ans. Il suffit de se rappeler de la peur et l’horreur provoqués par l’Etat islamique qui décapite les gens du simple fait qu’ils ne sont pas sunnites salafistes. Les Assyriens ont été obligés d’immigrer vers des pays lointains pour sauver et continuer leur vie de manière honorable.
On compare l’immigration à l’érosion qui emporte la couche la plus fertile de la terre. Le peuple sédentaire le plus ancien de la Mésopotamie, les Assyriens envoient leur couche la plus fertile (leur jeunesse) lors des vagues d’immigration. Le peuple perd ainsi en permanence ces couches qui pourraient être la locomotive de son développement.
Un nombre limité d’Assyriens de la diaspora rentre dans leurs villages en Turquie et passent une partie de l’année dans leur pays. L’idée de retour est-elle répandue au sein de la société assyrienne de la diaspora ? Que faudrait-il changer pour assurer un tel retour ?
Il y a deux ans, un ami venant de Midyat m’avait emmené une branche de vigne. J’ai été très heureux, nous l’avons immédiatement plantée dans notre jardin. On l’a arrosé, mis de l’engrais et fait tout ce qu’il faut pour la protéger du froid. Mais malgré tout, la branche de vigne a péri.
Lorsqu’un peuple est déchiré de ses terres, son pays lui manque toujours et il rêve de pouvoir y retourner. J’ai fait venir à Stockholm une petite pierre de la maison de mon grand-père à Midyat. Elle est posée en face de moi, au bord de la fenêtre de ma chambre de travail. Lorsque je la regarde, je me rappelle d’où je suis venu, de mon passé, mon histoire, mon vécu et ma place d’aujourd’hui, ainsi je me sens plus fort. Mais la même pierre fait grandir de jour en jour mon manque du pays.
Le retour est le rêve commun de la population assyrienne en diaspora. Mais ce n’est qu’un rêve, un manque. Sa réalisation semble impossible du fait des conditions actuelles. Les jeunes assyriens qui voient l’horreur vécue au Moyen-Orient nous demandent, avec raison, « comment pensez-vous y retourner ? » Lorsqu’ils entendent les histoires tragiques des Assyriens rescapés d’Irak et de Syrie, l’idée de retour disparait.
Il n’est donc pas réaliste d’attendre des retours massifs des Assyriens dans leur mère-patrie. Il peut y avoir des retours individuels et il y en aura dans l’avenir. Mais les Assyriens sont à leur 3ème et 4ème génération en diaspora et ceux qui sont nés et qui ont grandi ici ne pensent pas à retourner. L’idée de retour est très éloignée pour ces générations. C’est une utopie. On n’a jamais vu dans l’histoire le retour des sociétés désormais habituées à de meilleures conditions de vie.
Lorsque l’Etat d’Israël a été créé et a fait un appel aux Juifs pour leur retour, il n’y a presque pas eu de retour des pays de l’Europe occidentale. Ceux qui sont rentrés étaient les Juifs d’Europe orientale, rescapés de la Seconde guerre mondiale et du fascisme d’Hitler. De la même manière, lorsque la République d’Arménie a été créée, il n’y a pas eu d’immigration massive de l’Europe ou des Etats-Unis en Arménie. Il existe une immigration dans le sens opposé et l’Arménie se vide de jour en jour.
Pour cette raison, je pense que la question essentielle n’est pas le retour de ceux qui vivent en diaspora ou en Turquie. Le plus important est faire en sorte que les terres des Assyriens qui sont restées deviennent des lieux à vivre et un centre attractif. La question essentielle est de faire de ces terres un port stable où on pourra vivre de manière libre, dans l’égalité et dans la paix.